LES MAINS DU POÈTE
Les mains du poète trifouillent dans le cambouis des autos de légendes qu’il conduit en rêvant à un avenir meilleur
Les mains du poète tracent sur la mer des portraits de poissons dont personne n’a vu l’éclair d’une seule écaille
Les mains du poète plongent dans la chevelure d’une sirène en pleurs parce qu’elle ne retrouve pas sa queue de poisson chatte
Les mains du poète dessinent en pointillés le devenir creux des aruspices du verbe qui ne prévoient pas l’aune de son devenir
Les mains du poète griment les poétesses qui se prennent pour des reines quand le verbe les fait grimper aux rideaux
Les mains du poète arborent des ongles longs pour saisir les mots qui se cachent sournois sur les pages quadrillées de l’école du verbe
Les mains du poète se tendent en vain pour implorer les hommes de ne pas déconner avec les couches d’ozone qu’il va falloir changer
Les mains du poète sont attentives aux yeux et aux boules de feu qui parcourent l’éther jusqu’à leur dernier souffle
Les mains du poète se mettent en porte-voix pour lancer l’anathème à tous ceux qui dépassent la ligne jaune des pitres
Les mains du poète brisent le septième sceau du parchemin torride qui engonce son libre arbitre qui ne peut plus rêver
Les mains du poète déverrouillent l’acné qu’il porte depuis l’enfance sur ses joues de démiurge à la solde de l’enfer
Les mains du poète sans avoir l’air de rien déposent des bombinettes qui n’explosent jamais de la même façon
Les mains du poète gravitent sur des babines qui ne lui servent plus à brasser l’univers d’une seule langue
Les mains du poète prennent tes seins canailles dans le creux de leur paume quand tu les tends vers lui en riant aux éclats
Les mains du poète tiennent un crayon de soleil pour tracer le chemin qui les mène tout droit vers la lumière creuse
Les mains du poète alternent tous les vents quand ils viennent de l’est pour les renvoyer vers les détroits étroits
Les mains du poète manucurent les stries qui déchirent les murs quand le sang de leurs mots coule sur les affiches
Les mains du poète longent la belle ride qui parait sur les joues des copines de vieillesse qui se veulent encore belles
Les mains du poète enchantent les jours mauvais de passes magnétiques et de prières magiques pour toute léthargie
Les mains du poète calquent d’autres mains à prendre dans les siennes pour marcher confiant vers l’avenir des mangues
Les mains du poète rougissent de labeur quand il lui faut écrire dans les mines de sel pour lesquelles il aspire
Les mains du poète déposent les armes seulement quand le temps passe devant chez lui une fleur en bandoulière
Les mains du poète ont des cals douloureux durs comme de l’airain attrapés en pétrissant de l’acier précontraint
Les mains du poète ignorent ce que la droite dit à la gauche quand il politise son discours de bienvenue
Les mains du poète mises dans ses poches ont des paletots crevés et des rêves idéals pour toute poésie
Les mains du poète lui servent à écrire lui servent à frapper et lui servent aussi à mettre dans son nez un doigt de curetage
Les mains du poète dressent un doigt d’honneur quand il est en colère et ne maîtrise plus son majeur en délire
Les mains du poète viennent du fond des âges et parfois gratifient un accord de guitare pour faire chanter l’amour.